C’était en question depuis novembre 2022, c’est désormais officiel : Bercy a annoncé que les bénéficiaires du CPF seraient tenus de régler une participation forfaitaire pour utiliser leur compte formation.

Comme dans le cas de la Sécurité Sociale, il s’agit de lutter contre un déficit abyssal. Une différence structurelle réside pourtant dans le fait que, contrairement à la Sécurité Sociale, les sommes redistribuées par France compétences ne peuvent en aucun cas excéder les montants cotisés. Mieux : le CPF étant plafonné, le surcroît de cotisation constitue un gain net pour l’organisme gestionnaire. Pourtant, le budget de France compétences pour 2024, publié en novembre dernier, annonce un déficit prévisionnel d’un milliard d’euros…

La crise du CPF

Face à cette situation, l’État a décidé de rogner sur le CPF, principal poste de dépense de France compétences. Autrement dit, le gourvernement a estimé que le milliard d’euros manquant était à aller rechercher dans le portefeuille des stagiaires (même si Thomas Cazenave parle d’une économie de 200 millions seulement).

Quoi qu’il en soit, nous nous trouvons dans une situation paradoxale puisque, après avoir fixé des plafonds ambitieux (jusqu’à 8000€ pour les travailleurs peu qualifiés ou handicapés) et tout fait pour dépasser les débuts difficiles du Compte Personnel de Formation ; après avoir engagé des moyens pour lutter contre les nombreuses escroqueries recensées, l’État remet en question son œuvre en revenant sur le fondement même du CPF.

Qu'était le CPF à l'origine ? Le droit à la formation pour tous, où l’égalité des chances républicaines se traduit concrètement par l’égalité de l’accès aux compétences. Mais lorsque les salariés les plus modestes risquent de se trouver rapidement dans l’incapacité de régler le reste à charge, c'est tout le modèle qui est remis en cause.  

S’il vous en souvient, cette question de l’égalité avait déjà été soulevée lors du débat sur l’introduction d’une participation forfaitaire aux dépenses de santé. La réponse avait été double : pour les plus démunis, la CMU. Pour les autres : la complémentaire de santé. Cette fois encore, les plus démunis (en l’occurrence, les demandeurs d’emploi) seront exonérés de toute participation forfaitaire. Mais qui jouera ici le rôle de la complémentaire ? Est-ce que les employeurs seront tenus d’abonder pour diminuer le reste à charge ?... La question mérite selon nous d’être posée.

A combien se montera le reste à charge ?

Il y a un peu plus d’un an, les Échos évoquaient un potentiel reste à charge de l’ordre de 20 à 30% du montant de la formation. Une projection plutôt alarmante dans la mesure où le bénéficiaire d’un CPF au plafond se trouvait, sur cette base de calcul, redevable au maximum de 3450€ !

La participation forfaitaire sauce 2024, dont le pourcentage exact sera défini par décret dans le courant du mois d’avril, ne devrait heureusement pas être aussi élevé puisque Bercy parle aujourd’hui de 10%. Quoi qu’il en soit, l’accès à la formation va se trouver singulièrement compliqué. Une perspective d’autant plus regrettable que les salariés français ont précisément besoin de développer chaque année de nouvelles compétences pour faire face aux défis de la grande transition professionnelle amorcée par la technologie. Ainsi, lorsque selon les estimations de France Travail, 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore, qu’en un mot tout est à réinventer, il semble contreproductif de semer des embûches sur le chemin de la formation

Évidemment, le reste à charge impactera aussi les formateurs puisque, si les stagiaires ne peuvent plus ou ne veulent plus utiliser leurs CPF, les sessions seront plus difficiles à vendre. 

Il nous reste donc à espérer que les parlementaires réduisent au maximum les prétentions de Bercy, pour le bien des apprenants et celui du commerce. 

Approfondir