La peur de l’échec

L’erreur, même dans le monde de la formation, est trop souvent synonyme d’échec. En réalité, et les neurosciences le prouvent, l’erreur est féconde qui permet, par une suite d’ajustements, le perfectionnement d’une pratique ou d’une compétence en favorisant la métacognition. 

Si l’on se penche sur l’étymologie du mot « erreur », on trouve le latin « error » : l’action d’errer. Faire une erreur, c’est donc littéralement avancer sans direction précise. Tâtonner. Mais quoi ?  Considère-t-on qu’un musicien échoue lorsqu’il accorde son instrument et en tire par intervalles des sons discordants avant de rencontrer enfin la tonalité exacte ? Non, et cependant, c’est par cette suite d’essais/erreurs qu’il parvient progressivement à l’harmonie. 

Hélas : méconnue, incomprise, l’erreur reste fatalement associée à l’échec. Quel formateur n’a jamais vu un apprenant reculer au fond de sa chaise lorsqu’il parle de faire une mise en situation ? Lequel n’a jamais entendu que « ça ne se passe jamais comme ça dans la réalité » lorsque le même apprenant rejoint sa place la tête basse à la fin de l’exercice au cours duquel il a commis une ou plusieurs erreurs ?

Dans la culture japonaise, le brainstorming est rendu pour ainsi dire impossible par le fait que l’erreur (entendez par-là la proposition inadéquate) est perçue trop négativement. Au lieu de contribuer tous azimuts à la réflexion collective, les Japonais ont ainsi tendance à demeurer sur une réserve prudente, crainte de commettre la « bourde » qui les stigmatiserait. 

Même si la culture occidentale est un peu plus souple de ce point de vue-là (et le brainstorming rendu par-là même plus facile), il n’en est pas moins nécessaire pour les formateurs de dédramatiser l’erreur en s’attardant en préambule sur le droit de chacun à se tromper. Un droit qui est encore difficilement admis et qu’une majorité d’apprenants ne s’accordent pas volontiers. On a beau dire que l’erreur est humaine, trop de gens restent effectivement persuadés qu’elle les rabaisse et entraîne le jugement des autres.  

Oser l’apprentissage par essai/erreur

Aux antipodes de cette vision négative, Jean-Pierre Astolfi, spécialiste des sciences de l’éducation, définit l’erreur comme un outil pour enseigner. 

On l’oublie trop souvent, mais le développement du jeune enfant est entièrement basé sur l’apprentissage par essai/erreur. A l’âge adulte, et même si la plupart d’entre nous refusent de l’admettre, il demeure un levier puissant pour l’ancrage de nouvelles compétences. Un grand nom du cirque disait ainsi dans une interview que le secret pour réussir un numéro particulièrement compliqué, c’était de commencer par le rater un grand nombre de fois. 

Pour introduire l’outil « erreur » en formation, un bon moyen consiste à ruser un peu en contournant les blocages psychologiques liés à l’idée d’échec. Proposer des ateliers détournés tels que les activités ludopédagogiques dont la finalité et les enjeux exacts sont rarement apparents au premier coup d’œil facilitera l’adhésion des apprenants. Les escape game aussi et d’une manière générale toutes les approches de biais, qui transposent les notions étudiées hors du cadre habituel de travail. Commettre une faute dans un jeu n’est en effet pas aussi mal vécu que dans un contexte plus réaliste et/ou sur des tâches que l’on effectue au quotidien. C’est le cas de ces jeux vidéo populaires où les mêmes obstacles nous sont systématiquement représentés jusqu’à ce que nous ayons tiré l’enseignement de nos erreurs.   

Un exemple d’autant plus intéressant que, quoique leur but soit précisément de nous confronter à l’erreur, les jeux vidéo ne nous rebutent pas. Au contraire ! D’essai en essai, le joueur puise une motivation nouvelle dans le fait de parvenir à se corriger. C’est la raison pour laquelle certaines approches pédagogiques telles que le learning by doing ou l’AFEST misent précisément sur l’essai/erreur. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit pourtant de travailler, en situation réelle, les compétences d’un emploi que l’on occupe ou que l’on vise. 

Comment s’y prennent les formateurs ? D’abord en montrant patience et bienveillance et en expliquant d’emblée le rôle de l’erreur dans l’apprentissage. Ensuite, en construisant le déroulé pédagogique de manière à donner à l’apprenant le sentiment qu’il progresse par l’expérience. Conclure chaque tentative par un feedback précis donne l’opportunité à l’apprenant de se corriger. En effet, pour ne pas être inhibante, l’erreur doit être surmontable. Pour être surmontée, elle doit être identifiable. Et, pour qu’elle soit correctement identifiée, les feedbacks doivent réguliers et qualitatifs. 

En conclusion

Si, après la lecture de cet article, le risque de manquer votre objectif à la première tentative ne vous fait pas trop peur, à votre tour tentez de proposer à vos stagiaires des ateliers d’apprentissage par essai/erreur ! Et si vous désirez plus de tips pédagogiques, consultez dès maintenant notre article de veille sur le sujet ;-).

https://www.didask.com/post/apprentissage-par-essai-erreur-pourquoi-la-formation-doit-sinspirer-des-jeux

https://ifcam-formation.fr/blog/2022/10/17/lerreur-puissant-levier-apprentissage/

https://ifcam-formation.fr/blog/2020/01/17/curiosite-surprise-erreur-3-ingredients-apprentissage-efficace/